Dans le cadre de ma formation générale à l’I.U.F.M., j’ai assisté à de multiples cours magistraux et participé à différents ateliers d’échanges en groupe restreint, appelés : les «Analyses de Pratiques Professionnelles » (A.P.P.). Cependant, le thème qui a le plus attiré mon attention a été celui de « la gestion de la classe et des situations conflictuelles » animé par Mathieu KESSLER, professeur de philosophie et formateur à l’I.U.F.M. de Chartres.
Professeur stagiaire de Lettres-Histoire affecté au Lycée Professionnel Elsa Triolet à Lucé, j’ai été confronté, dès le début de l’année scolaire, aux bavardages incessants, au manque de concentration et au manque de travail de mes élèves sans pour autant savoir comment lutter efficacement et avec le plus d’équité possible face à ces problèmes.
Néanmoins, je tacherai d’expliquer, dans un premier temps, quelles solutions j’ai envisagé pour arrêter, ou du moins atténuer, ces difficultés afin de créer un climat propice au travail et à l’écoute. Ensuite, je présenterai brièvement le contenu de la formation générale concernant « la gestion de la classe et des situations conflictuelles » et je terminerai par la présentation des changements opérés dans ma pratique professionnelle actuelle et future.
Les difficultés rencontrées
Au mois de septembre, j’ai découvert l’établissement et l’équipe éducative avec lesquels j’allais travailler au cours de cette année de formation et surtout la classe que j’allais avoir en charge. Cette classe de seconde professionnelle, composée à 100% de filles, comprend quinze élèves qui se destinent au B.E.P. Métiers du Secrétariat.
Très vite, dans ma conduite de la classe en début d’année, j’ai dû faire face à des difficultés répertoriées ci-dessous en deux sous-ensembles:
Des problèmes liés au manque de travail de certaines élèves : travail personnel absent ou insuffisant, refus de prendre en note les corrections, refus de lire, oublis de matériel.
Des problèmes liés au comportement : bavardages incessants, moqueries, retards, absences injustifiées, déplacements ou prises de parole sans autorisation, refus de se déplacer, rangement des affaires avant la sonnerie, manque de respect entre elles.
La particularité de ma classe explique sans doute en partie les problèmes auxquels j’ai été confronté. En effet, mes collègues, et le Professeur Principal, m’ont gentiment rassuré en me disant : « c’est normal, c’est une classe de filles ». Nous pouvons nous poser la question de savoir s’il existe un « terreau » plus fertile aux bavardages et aux tensions chez les filles que chez les garçons? En ce qui me concerne, je n’en suis pas persuadé, cela doit évidemment dépendre des classes et des situations.
Cependant, je ne crois pas « redécouvrir le monde » en soutenant l’idée que la mixité dans une classe est un « outil » essentiel pour lutter contre ces conflits et ces échauffements au sein d’un groupe d’adolescents, celle-ci jouant un rôle d’autorégulation.
J’ai essayé de réagir face à cette situation qui présageait une année scolaire houleuse si rien n’était fait, et j’ai pris conseil auprès de mes collègues qui m’ont permis d’entrevoir différentes solutions.
Au retour des vacances, début novembre, j’ai opté pour plusieurs solutions en expliquant à mes élèves les mesures que j’allais mettre en place pour éviter de poursuivre sur les bévues de la période précédente :
Mise en place d’un plan de classe : j’ai séparé tous les binômes qui s’étaient constitués par affinité depuis le début de l’année. J’ai privilégié, toutes les fois que je le pouvais, l’émulation et l’entraide entre élèves afin d’associer une élève faible avec une élève plus à l’aise en cours. Il a fallu, tout de même, que je tienne compte des animosités existantes entre elles.
Ce plan de classe a été remis en cause par les élèves à chaque séance et à chaque changement de salle, mais il est encore en vigueur dans ma classe à ce jour.
Mise en place d’un « système de croix » (mesure prévue par le Règlement Intérieur du lycée dans la partie concernant les punitions et les sanctions): j’ai tracé deux colonnes supplémentaires sur mon cahier de notes, l’une concernant le comportement et l’autre concernant le travail. A chaque manquement constaté je notai une croix dans la rubrique correspondante et au bout de trois croix l’élève avait une heure de retenue.
Je dois dire que les résultats se sont révélés rapides et satisfaisants, mais la deuxième mesure me provoquait un certain malaise et je me posais un certain nombre de questions :
- Comment allais-je expliquer avec précision aux parents, et surtout aux élèves, un comportement problématique et/ou un manque de travail? Comment rendre compte à l’administration ?
Les items n’étaient pas assez détaillés et ils ne mentionnaient aucune date. Comment apprécier alors l’évolution du comportement d’un élève, si ce n’est par l’absence ou la diminution du nombre de croix le concernant?
- Fallait-il punir tous les comportements de la même façon ? Un nombre de retards répétés a-t-il la même importance qu’un comportement insolent et provocateur ?
La première intervention de Monsieur KESSLER, le 10 novembre 2004, a mis en exergue ces différents problèmes et j’avoue avoir été impatient de dialoguer à ce sujet entre pairs et avec nos formateurs, notamment en « A.P.P », afin de compléter mon point de vue, voire même de le modifier.
La définition de l’autorité
Dans l’une des séances du module, Monsieur KESSLER a défini avec simplicité la notion d’autorité. Dans ses propos, il a distingué l’autorité de l’autoritarisme. L’autorité est obligatoire et indispensable au sein de la classe, quant à l’autoritarisme, il est condamnable et néfaste pour acquérir la confiance et le respect des élèves. De l’autorité à l’autoritarisme, la limite est, dans la pratique de la classe, bien souvent floue, surtout pour de jeunes professeurs.
L’autorité repose essentiellement, selon Monsieur KESSLER, sur trois critères :
« Paraître juste » : c’est-à-dire qu’il faut avoir les mêmes exigences pour tous les élèves et appliquer les mêmes punitions aux élèves auteurs d’un même manquement.
« Paraître cohérent » : cela signifie qu’il est indispensable d’avoir la même ligne de conduite toute l’année et en toutes circonstances.
« Etre capable de communiquer sur nos exigences » : il faut dire ce qu’on fait et surtout faire ce qu’on dit sans quoi les élèves détecteront tout de suite la faute et la faille dans notre mode de fonctionnement.
L’autorité peut être comprise et acceptée par les élèves et les adolescents en devenir, en revanche l’autoritarisme, que l’on peut définir comme une autorité absolue et arbitraire, engendrerait l’effet inverse à celui recherché par l’enseignant, c’est-à-dire l’adhésion de l’ensemble de la classe à des règles de vie et de travail communes à tous.
Pour éviter de faire de l’autorité une gageure, Monsieur KESSLER nous a présenté ce que l’on appelle « un outil de vie scolaire », expression assez répandue et utilisée par nos collègues C.P.E (Conseillers Principaux d’Education), mais sans doute peu connue de l’ensemble des professeurs et, qui plus est, des stagiaires que nous sommes.
L’«outil de vie scolaire »
Cet « outil de vie scolaire » se présente sous la forme d’un tableau avec le nom de l’élève, la classe, une liste d’items concernant le comportement de l’élève, la date et les observations sur le problème constaté. Il est recommandé d’établir une fiche par élève, qui est complétée par l’enseignant, pendant le cours ou après le cours et chaque fois qu’un manquement ou qu’un problème de comportement est constaté.
Cette fiche de liaison n’est pas une fin en soi, chaque enseignant est libre de transformer de compléter, d’améliorer ou d’alléger cette grille suivant la situation vécue au sein de sa classe et les problèmes rencontrés concernant la gestion de la classe et la conduite des cours.
Pour ma part, j’adhèrerai volontiers au modèle présenté par Monsieur KESSLER, mais, à ce jour, je n’ai pas réussi à trouver de solution pour diminuer le temps de flottement engendré par le temps passé à compléter la fiche de liaison de l’élève mis en cause.
Ma pratique professionnelle et l’appropriation de cet « outil » dans ma classe :
http://img31.exs.cx/img31/3257/photo200532203953edited4xw.jpg" border="0" alt=""/>
En attendant de pouvoir répondre au petit désagrément vu précédemment , j’ai modifié ma pratique professionnelle et j’ai adopté en février l’« outil de vie scolaire » proposé par Monsieur KESSLER, mais en l’ajustant à ma situation de classe.
Tout d’abord, j’ai adapté la liste des items à ma situation de classe:
Par exemple, l’item n° 6 concerne les élèves qui rangent leurs affaires quelques minutes avant la fin du cours et avant la sonnerie. En effet, j’ai constaté qu’un certain nombre d’entre elles se permettaient de mettre leur blouson et de ranger leurs affaires avant la fin du cours afin de gagner du temps, soi-disant, pour être à l’heure pour prendre le « Transbeauce » ( nom de la société de transport qui assure le ramassage scolaire en Eure-et-Loir). Or, je me suis rendu compte que, très souvent, le travail à la maison n’était pas fait dans la mesure où elles sortaient du cours sans l’avoir noté sur leur agenda.
Ensuite, j’ai décidé de mettre sur la même fiche les deux matières qui sont propres à notre discipline. Pourquoi avoir choisi de faire cela ?
La première explication provient du fait que le comportement et le travail des élèves sont différents en cours de Français et en cours d’Histoire-Géographie. Donc, le fait de pouvoir visualiser sur la même feuille les deux composantes de ma discipline me permet d’être plus efficace, lors d’un entretien avec l’élève ou sa famille, en affinant mes propos et en refusant les généralisations.
Par ailleurs, je peux justifier ce choix par une raison très simple qui est de limiter le nombre de fiches par élève et par classe en facilitant ainsi la « gestion du système ».
Pour finir, je continue de penser qu’il est sans doute possible, afin d’optimiser « la gestion de la classe et des situations conflictuelles», de combiner plusieurs modes opératoires de cet « outil de vie scolaire ».
La formation générale sur le thème de « la gestion de la classe et des situations conflictuelles » m’a fait prendre conscience qu’il est indispensable de mettre en place un système fiable, comme celui de « l’outil de vie scolaire », dans l’objectif d’assurer un contrôle pertinent, juste et équitable, et remédier ainsi aux problèmes de comportement, de manque de travail ou de concentration de la part de certains élèves.
Cependant, nous pouvons émettre quelques réserves sur l’efficacité de cet « outil ». Cette initiative, quand elle existe, reste trop souvent individuelle et propre à chaque enseignant. Bien entendu, il ne s’agit pas d’imposer à chacun la même pratique professionnelle, loin de là, être libre de faire ses propres choix dans l’exercice de notre métier est un privilège incommensurable, mais il paraît évident qu’il est indispensable de travailler en partenariat et en symbiose avec nos pairs afin d’assurer une cohérence et une unité face à des comportements déviants de certains élèves.
Il existe tout de même un texte qui définit la « Mission du professeur exerçant en collège, en lycée d’enseignement général et technologique ou en lycée professionnel » (C.f. la
Circulaire n°97-123 du 23 mai 1997) et qui propose « des références communes aux différents partenaires du dispositif de formation initiale », mais les différences existant dans notre mode de fonctionnement et de travail, ne nous discréditent-elles pas auprès des élèves ?