II. Comment différencier la pédagogie selon Philippe MEIRIEU Tous les élèves n’apprennent pas de la même manière. Pour chacun d’entre eux interviennent des facteurs d’ordre très divers tels que cognitifs, sociologiques et affectifs. Ainsi, dans le but d’appliquer la pédagogie différenciée à l’école, Philippe MEIRIEU explique l’importance de mettre en place quelques étapes préalables de la part de l’enseignant. Ensuite, il donne plusieurs indices d’applications de celle-ci dans les classes.
1. Les étapes essentielles à instaurer de la part de l’enseignant1°) Apprendre à évaluerL’évaluation a un rôle important dans la pédagogie différenciée. Elle permet de construire la méthode la plus appropriée et elle permet aussi d’intervenir lors de la progression. Voyons donc plus précisément le rôle de l’évaluation et les différents types.
a) Le rôle de l’évaluationIl faut répertorier, pour chaque élève, ses ressources et ses besoins. Il faut ensuite les classer dans deux domaines : ses capacités et ses compétences acquises dans la matière.
Cette grille peut être complétée au fur et à mesure à partir d’observations….
A partir de cette grille, il suffit de lire les informations en les répartissant sur deux axes : ressources /besoins et en s’efforçant de repérer les interactions possibles.
Une telle démarche pédagogique peut alors être symbolisée de la façon suivante :
Ainsi, si l’élève sait assez facilement construire un récit, mais s’il a des difficultés en orthographe, on lui proposera de rédiger le feuilleton pour le journal de la classe. Beaucoup d’autres intersections sont possibles.
Cela peut être long. En effet, la recherche de points d’appui et des lacunes peuvent, une fois menée à bien, multiplier l’efficacité d’un travail ultérieur.
Voyons maintenant les différents types d’évaluation à utiliser lors d’une progression.
b) Les différents types d’évaluationIl existe trois types d’évaluation :
-l’évaluation diagnostique ou prédictive : elle est importante. Elle se fait avant d’engager un apprentissage. C’est le type d’évaluation de la partie précédente.
-Elle est suivi de l’évaluation formative : elle se fait durant l’apprentissage. Elle permet de trouver des solutions à des points bloquant la progression, à des outils fonctionnant comme obstacles, les situations handicapant l’élève…. Elle a une fonction régulatrice : elle évite que la différentiation ne se fige.
-l’évaluation sommative permet, au terme de l’apprentissage, de mesurer globalement les acquis. Elle est exigée par l’institution. Cependant, elle doit être critériée et particulière pour chaque élève.
Ces évaluations permettent de répondre au défi de l’hétérogénéité.
Il faut maintenant faire une différenciation dans la classe.
2°) Différencier dans la classeCe n’est pas impossible. Il faut alterner les outils et les situations d’apprentissage, proposer un plan de travail individuel. Cependant, il faut faire attention au respect des règles de vie en classe.
a) Alterner les outils et les situations d’apprentissageCette étape est nécessaire. Intégrer un schéma, un commentaire oral à un texte écrit change tout. Engager les élèves dans une manipulation, même brève, leur permet de se mémoriser mieux l’exposé magistral qui y est consacré….
Alterner des temps de travail personnel et de mise en groupe permet aux élèves de mieux s’approprier la situation.
Cependant, établir un plan de travail individuel est nécessaire afin de suivre le programme des objectifs.
b) Le plan de travail individuel- Il doit être élaboré avec l’élève.
- L’échéance est variable selon l’age.
- Ce plan doit comporter pour chaque objectif, le niveau atteint précédemment par l’élève, les engagements pris en fonction de celui-ci et l’évaluation sommative en fin d’échéance.
Cependant, tout cela n’est possible que s’il y a un respect des règles de vie en classe.
c) Règles de vie en classe Il est nécessaire de les respecter si l’on veut évoluer.
Gérer la différenciation exige donc que l’on ne laisse planer aucun doute quant à la nécessité du respect des lois essentielles concernant la prise de parole, les déplacements, l’usage du matériel….
Toutes ces données nous permettent d’établir une séquence d’apprentissage en pédagogie différenciée.
3°) Une séquence d’apprentissage en pédagogie différenciée Pour un objectif d’apprentissage, il y a quatre temps :
a) La découverte Ce temps impose une différenciation des outils et des situations. Elle doit être successive et il faut que l’enseignant garde la maîtrise de la classe. Il incarne l’objectif et l’éclatement du groupe serait dommageable dans la mesure où les élèves pourraient se sentir livrés à eux-même, sans avoir été suffisamment préparés.
Le maître doit éveiller l’intérêt, créer la centration sur l’objet de l’étude ; cette activité sera d’autant plus efficace qu’elle s’appuiera successivement sur différents supports, fera appel à la perception orale et visuelle, à une brève manipulation.
b) L’intégration Lors de cette étape, il convient de mettre en place une différenciation simultanée : chacun s’approprie le savoir d’une manière singulière et avec un rythme qui lui est propre.
On mettra à leur disposition des fiches individuelles, des exercices de groupe. On sollicitera quelqu’un entre eux pour être moniteur, on suggérera des manipulations, des enquêtes, des lectures.
c) L’évaluation Il y a alors confrontation entre le chemin choisi et le but atteint qui est véritablement formatrice. L’évaluation ne sera pas différenciée en ce qui concerne l’objectif qu’elle assigne ; Elle peut l’être pour ce qui est des supports utilisés : l’écriture, la parole, le schéma, la manipulation,….
d) La remédiation Elle est possible après l’évaluation. On repère les déficits et on propose des exercices supplémentaires, un autre itinéraire, reconstruction du savoir avec d’autres outils….
2. D’autres indices pour la réussite de l’application de la pédagogie différenciée1°) Hétérogénéiser le corps enseignant Pour Philippe MEIRIEU, la féminisation du corps enseignant est excessive, son homogénéisation sur le plan social et sur celui de l’âge, l’absence de formation sérieuse à la différenciation méthodologique sont de graves atteintes à la laïcité sur lesquelles il conviendrait de se pencher de manière urgente.
Il faut aller vers des équipes d’enseignants hétérogènes, seule réponse possible pour gérer une école où l’hétérogénéité des élèves est un fait irréversible.
Ainsi, le corps enseignant doit se regrouper en équipe de classe : ce sont des enseignants de différentes disciplines ; et en équipe disciplinaire : enseignants d’une même matière et concernant plusieurs classes.
L’équipe de classe se met d’accord sur les objectifs qui sont les capacités transdisciplinaires.
L’équipe disciplinaire se met d’accord sur les objectifs concernant la matière concernée, organisés selon un programme de progression.
Dans l’équipe de classe, chaque enseignant poursuit dans sa discipline, avec la stratégie appropriée, travaille sur les capacités visées.
Dans l’équipe disciplinaire, il y a une recherche de stratégies différenciées sur un même objectif : chaque enseignant réalise ces stratégies dans le cadre de sa classe et les enseignants se spécialisent en groupes de niveau et de besoins.
2°) Groupes de niveau ? groupes de besoin ? a) Les groupes de niveau Pour Philippe MEIRIEU, les groupes du niveau dans différentes matières peuvent être bénéfiques pour les élèves si et seulement si ils peuvent en changer en cours d’année. De plus, cela permet à l’école de ne pas être figée. La concertation régulière des enseignants permet d’effectuer au fur et à mesure les ajustements nécessaires.
Il est en effet important que ce groupes soient provisoires. Cependant, vu le risque important de construire des classes-ghettos, Philippe MEIRIEU préfère l’utilisation de groupes de besoin.
b) Les groupes de besoin Les enseignants préparent des évaluations communes à l’issue d’une programmation commune dans son contenu. Ils analysent ensuite les résultats obtenus et observent les difficultés majeures apparaissant chez leurs élèves. Ainsi, ils découvriront que certains élèves ne maîtrisent pas tels ou tels ressources.
Les enseignants proposeront une répartition des élèves en fonction de leurs besoins aussi bien dans la matière elle-même que sur des capacités méthodologiques. Il y a élaboration de stratégies diversifiées pour répondre aux besoins, afin d’accéder au même objectif.
Les remédiations sont différenciées selon le problème à résoudre. Les élèves pourront avoir d’autres enseignants pour apprendre , ce qui soulève parfois des blocages.
Finalement, les élèves s’enrichisseront et auront atteint l’objectif.
3°) Le contrat pédagogiqueC’est un engagement réciproque entre l’élève et l’éducateur.
Ils doivent ensemble statuer sur la diffusion du contrat car l’engagement se fait par les parties. La décision de l’échéance du contrat est primordiale et variable selon l’âge de l’élève et la nature du contrat.
La recherche des points d’appui est l’élément central de la discussion : il y a les réussites antérieures ou les ressources, ses besoins, et ses centres d’intérêts. Dans, l’idéal, ils se relient pour déterminer l’engagement exact. En réalité, l’enseignant s’appuie principalement sur deux d’entre eux.
Les moyens de l’élève concerneront le temps de travail à se consacrer à tel ou tel exercice, les outils à mobiliser, les démarches à faire. Ils sont à prendre en compte avec ses démarches intellectuelles et son histoire personnelle.
L’éducateur doit s’engager à fournir à l’élève un certain nombre de moyens qui l’aident à honorer ses engagements. Cela peut être la proposition d’une séquence de travail, une aide individualisée, la mise en place d’évaluations intermédiaires….
Pour être plus objective, l’évaluation peut se faire par une troisième personne. Si l’évaluation est négative, il faut déceler les blocages, les erreurs de stratégies, les négligences dans les travaux….
Il faut ensuite engager l’élève dans un nouveau contrat